Table ronde PME et export

Les PME et l’export : entre marché domestique en berne, guerre commerciale et troubles géopolitiques
Le développement des PME à l’exportation est plus que jamais crucial pour assurer leur croissance et diversifier leur risque, en dépit des turbulences actuelles. Débat avec Alain di Crescenzo, président de CCI France, Olivier Vincent, directeur en charge de l’export à Bpifrance, François Lassalle, président de MTM, Manufacture Textile Méridionale, chapelier, et Cédric Renard, directeur marketing de Serac, fabricant de machines de remplissage de liquides, le 14 octobre.
Anne Daubrée, présidente de l’AJPME, a tout d’abord rappelé que si les PME françaises sont moins exportatrices que leurs homologues italiennes ou allemandes, une certaine dynamique se dessine depuis 2018 : en France le nombre de PME exportatrices est passé de 125 000 en 2018 à 155 000 en 2025. Mais aujourd’hui, face à un marché intérieur peu lisible et à un marché extérieur incertain, où en est cette dynamique de croissance ?
Un certain essoufflement
Selon Alain di Crescenzo, cette dernière ne se dément pas, mais marque un certain essoufflement. Et partant du constat que 80% des flux internationaux portent sur des biens, « pour maintenir l’internationalisation, il faut donc avoir des produits français exportables compétitifs, a-t-il souligné, et cela débouche sur la nécessité de ré-industrialiser le pays ».
Les PME doivent en parallèle affronter le contexte international, notamment nord-américain : la hausse des droits de douane va s’accompagner d’une dépréciation de la parité euro/dollar, et d’une baisse de compétitivité des entreprises françaises outre-Atlantique. Selon une étude de la CCI, 69% déclare envisager de vouloir se recentrer sur le marché domestique, tandis que 34% repositionneraient leur stratégie commerciale sur d’autres marchés. L’Europe, qui reste le noyau dur de l’internationalisation, en serait la principale bénéficiaire, mais des rapprochements avec d’autres zones comme la Grande Bretagne, l’Inde ou le Mercosur sont aussi envisageables.
La France est bien outillée
De fait le débouché européen n’est pas toujours le plus facile : face à un marché français saturé, MTM (35 salariés) avait préparé en 2024 un plan de développement à l’international ciblant prioritairement l’Europe. « Mais ce marché ne s’est pas révélé le plus dynamique, explique François Lassalle, et nous sommes aujourd’hui présents sur une plateforme de commerce BtoB particulièrement active en Amérique du Nord, en Asie et au Moyen Orient ». L’exemple de MTM, dont le plan a été préparé avec Team France Export, pose également la question des dispositifs publics d’aide proposés par Team France Export. Depuis 2018, cet ensemblier réunit plusieurs acteurs publics (dont Business France, Bpifrance, et CCI France) pour stimuler l’export des PME et les accompagner dans leur démarche. Olivier Vincent estime que « la France est plutôt bien outillée, en proposant un continuum de solutions qui vise à créer des courants stables d’exportation ». Coté Bpifrance, les instruments les plus utilisés par les PME sont l’assurance crédit avec une accélération sur la couverture du change, l’assurance prospection, la gamme de prêts de Bpifrance, mais également la GPI, Garantie de Projets à l’International, pour sécuriser les créations de filiale à l’étranger.
Des filiales locales
L’entreprise Serac (750 salariés) fondée en 1969, avait fait le choix de l’internationalisation dès les années 1980 avec la création successive de filiales, à commencer par les Etats-Unis, au Brésil et en Malaisie. « Notre objectif est de se rapprocher des marchés pour en comprendre les spécificités locales », précise Cédric Renard. La diversité des pays adressés par la PME qui réalise plus de 85% de son chiffre d’affaires à l’étranger, lui permet de faire face aux aléas rencontrés : par exemple, lorsque les dernières élections au Brésil ont créé des turbulences dans l’économie du pays, elle a pu s’appuyer sur d’autres marchés pour maintenir son activité. Et face aux augmentations de droits de douane, elle peut plus facilement diversifier ses sources d’approvisionnement pour certaines pièces de machines, même si aujourd’hui, les tensions sur certains matériaux l’inquiètent, tout comme la concurrence chinoise.
Les pistes d’amélioration
Les chefs d’entreprise constatent des manques dans l’accompagnement à l’export. François Lassalle a pu constater que sur le salon Who’s next, l’un des plus importants dans son secteur, l’état italien paie la totalité de la participation des PME du pays, là où MTM a dû y consacrer un budget conséquent. « Nous devons apprendre à être des machines à deal sur les salons, et rechercher des acheteurs locaux à mettre en face des entreprise françaises » confirme Olivier Vincent. Alain di Crescenzo estime qu’il faudrait lier politique de développement des investissements étrangers en France et export. En conclusion, il alerte sur les mesures de la prochaine loi de finance, qui pourrait inclure une nouvelle baisse des budgets consacrés à Business France ou aux CCI et remettre en cause les dispositifs concernant l’export. Crainte qui s’est avérée fondée le lendemain.
Elisabeth Coulomb



