Table ronde sur le dirigeant de PME face au risque d’échec

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Le 24 novembre 2016. Y a t-il une vie après le dépôt de bilan ? L’Ajpme a proposé aux journalistes une table ronde sur le dirigeant de PME face au risque d’échec. Comment anticiper, se protéger, rebondir ? Plusieurs intervenants ont débattu sur ce sujet rarement évoqué.

Intervenants

Philippe Rambaud, fondateur et président d’honneur de l’association « 60 000 Rebonds »

Laurent Buob, entrepreneur.

Elodie Warnery, Directrice générale de la GSC, l’assurance-perte d’emplois des dirigeants d’entreprise.

Chaque année, près de 60 000 entreprises, essentiellement des PME, déposent le bilan, prélude dans 95% des cas à une liquidation. C’est à la fois une destruction de valeur économique et d’emplois, un appauvrissement du tissu productif et, très souvent, un drame personnel…

Comment faire en sorte que l’entrepreneur qui, malgré sa bonne volonté, n’a pas réussi à maintenir à flot son entreprise, ne soit pas « marqué au fer rouge » et ne subisse pas une sorte de « mise à mort socio-économique » ?

Comment éviter la descente dans l’enfer des  « 3 D » : dépôt de bilan-dépression-divorce ?

« Y a t-il une vie après le dépôt de bilan ? »

Après avoir dû se résoudre au dépôt de bilan de sa société (spécialisée dans le marketing), Philippe Rambaud a créé l’association « 60 000 Rebonds », fort de sa propre expérience et pour aider toutes celles et ceux éprouvés par un échec entrepreneurial à pouvoir repartir du bon pied. Car il n’existait auparavant aucune structure pour accompagner ces personnes qui restaient isolées et parfois « enfermées » dans leur échec… Or, selon Philippe Rambaud, « un travail sur soi est indispensable pour rebondir comme cela se pratique aux USA où l’échec n’est pas stigmatisé » comme dans les pays « latins ».

Pour lui, « il ne faut pas jeter la pierre à ces entrepreneurs qui ont pu faire des erreurs, prendre de mauvaise décisions. Mais ils ont aussi créé une activité, des emplois, ils ont innové, exporté, pris des risques. Leur expérience a de la valeur. Il faut que tout entrepreneur ait le droit d’essayer plus d’une fois…»

Aujourd’hui, 60 000 Rebonds se positionne  comme une « véritable centrale de compétences » animée par des bénévoles pour aider les entrepreneurs « post-faillite » à « rebondir plus vite et mieux que s’ils restent isolés ». L’association s’emploie aussi à faire évoluer en profondeur le regard sur l’échec en France.

80% des entrepreneurs accompagnés rebondissent !

L’accompagnement de 60 000 Rebonds est bénévole et gratuit pour que les plus démunis puissent en bénéficier. Il peut se dérouler jusqu’à 24 mois et s’effectue à travers des séances de coaching, des ateliers, groupes de paroles… Chaque personne peut s’appuyer sur un parrain issu du monde économique. Résultat : 80% des chefs d’entreprises accompagnés par l’association rebondissent. Un tiers trouvent un emploi salarié et deux-tiers repartent dans un nouveau projet entrepreneurial au bout d’un an à dix-huit mois.

Philippe Rambaud se réjouit aussi que Fleur Pellerin, ex-ministre des PME, ait pu obtenir la suppression de la note « 0,40 » que la Banque de France attribuait aux entrepreneurs ayant fait faillite, ce qui les empêchait d’avoir accès à nouveau au crédit bancaire et donc de recréer une affaire…

Dans l’épreuve qu’il a lui même traversée, Philippe Rambaud se félicite d’avoir été couvert par une assurance perte d’emploi du chef d’entreprise qu’il avait souscrite auparavant : « il faudrait rendre cette assurance obligatoire ! » estime t-il.

La GSC, une assurance insuffisamment connue

Parmi ce type de parachute, il existe la GSC, une assurance volontaire perte d’emploi du chef d’entreprise qu’a présentée sa directrice générale Elodie Warnery.

L’association GSC assure une indemnité proportionnelle aux revenus antérieurs aux dirigeants mandataires sociaux,  travailleurs non-salariés, entrepreneurs individuels, créateurs/repreneurs d’entreprises en cas de perte involontaire de leur emploi.

La GSC couvre le chef d’entreprise dans différents cas de figure (révocation du dirigeant, non renouvellement du mandat, redressement/liquidation judiciaire ; dissolution anticipée de l’entreprise, cession, fusion absorption…). La GSC est administrée par le Medef, la CPME (ex CGPME) et l’U2P qui l’ont conçue en 1979. Le contrat d’assurance de GSC a été souscrit auprès d’un pool d’assureurs (Groupama, Allianz, MMA, Generali, SMABTP) ; la gestion en est confiée à Groupama – GAN Assurances.

Pour bénéficier de cette garantie il n’est pas nécessaire d’être en situation de cessation des paiements (dépôt de bilan). La cessation d’activité de l’entreprise, ou sa vente, décidée à l’amiable par les associés ou par le seul entrepreneur individuel, suite à des difficultés économiques de l’entreprise, peut ouvrir droit aux indemnités chômage.

Consciente que trop peu de dirigeants d’entreprise sont sensibilisés à cette problématique et que l’assurance volontaire reste encore largement méconnue, l’association GSC s’emploie à promouvoir cette solution auprès des adhérents des organisations patronales comme auprès des dirigeants qui n’en sont pas membres. D’autant que cette solution est relativement accessible pour une cotisation de l’ordre de 100 euros par mois.

On estime qu’environ 22 000 chefs d’entreprise sont aujourd’hui couverts par ce type d’assurances volontaires : autant dire qu’il reste encore un travail de sensibilisation auprès des 3,5 millions d’entrepreneurs de notre pays !

La renaissance de Leblon-Delienne

Chef d’entreprise accompagné par 60 000 Rebonds, Laurent Buob a présenté son parcours.

Le 31 décembre 2014, il  a dû se résoudre à la liquidation financière de la société qu’il avait rachetée sept ans plus tôt et s’est retrouvé  lui-même en faillite personnelle. Ruiné, endetté il a pu rebondir grâce à sa détermination, sa volonté et aussi grâce au soutien de l’association.

Cet ex-cadre dirigeant dans des grands groupes (Pernod Ricard, LVMH), en poste en France, en Asie et aux Etats-Unis, décide en 2006, de créer avec un associé une société de négoce dans un secteur qu’il connaît bien, les champagnes et spiritueux. Parallèlement, il se met en quête d’une PME à reprendre. Il découvre alors en Haute-Normandie la société Leblon-Delienne spécialisée dans la production, sous licence, de figurines de personnages de la bande dessinée, et notamment les personnes des albums de Tintin!

Début 2007, il rachète cette société à ses fondateurs, mais cette reprise se révélera difficile en raison notamment d’une présentation fallacieuse des bilans comptables au moment du rachat, de l’impact de la crise de 2008 et de la perte de la licence Hergé…

Malgré les efforts du repreneur pour tenir la société à flot, le dépôt de bilan se révèle inévitable en 2014 jusqu’à la liquidation de la société.

En juin 2015, nouveau départ : la société est reprise par la holding Héritage Collection, et diversifie ses créations en s’inspirant de héros des jeux vidéo, des mangas, du street-art, du cinéma… et en produisant du mobilier design…Elle se tourne aussi désormais vers le e-commerce.

Héritage Collection fait appel à Laurent Buob comme dirigeant salarié afin de mettre en œuvre la relance de la société Leblon-Delienne et lui donner un nouveau positionnement marketing. Une nouvelle étape s’ouvre dans sa vie d’entrepreneur !

Entre l’épreuve de la liquidation et la renaissance de la société, Laurent Buob a trouvé la force de rebondir en s’investissant dans de nombreux réseaux professionnels, en acquérant de nouvelles compétences dans les domaines de la 3 D et de la réalité augmentée, et en croisant un jour la route de l’association 60 000 Rebonds…

Jacques Gautrand

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