27 mai 2011 – La table ronde a porté sur l’analyse par Fiducial de la réforme de la fiscalité du patrimoine, dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2011, et de son impact sur les PME, avant la présentation en avant-première du dernier « baromètre des TPE » d’avril – mai – juin 2011 réalisé par l’Ifop pour Fiducial.
Intervenants
Jean-Marc Jaumouillé, directeur des études techniques, Fiducial
Pierre Lefranc, directeur fiscal du groupe Fiducial
Yves-Marie Cann, directeur des études, Ifop
Cadre général de l’ISF et de la réforme actuelle
L’ISF est un sujet « épidermique » et récurrent en France. Cet impôt a été introduit en 1981, sous le nom d’impôt sur les grandes fortunes (IGF), supprimé en 1986, et rétabli trois ans plus tard. Nicolas Sarkozy avait promis une baisse de l’ISF et une augmentation des droits de succession. L’ISF représente 1,20 % des recettes de l’Etat en 2011, soit 4 milliards d’euros, le quart étant concentré dans quelques arrondissements parisiens. C’est un impôt qui ne fait pas la différence entre les biens productifs de revenus ou non, ce qui a été confirmé par la Cour Constitutionnelle en mars 2011.
Le projet de réforme de l’ISF présenté le 11 mai en Conseil des Ministres, est un « pétard mouillé », une « réforme trompe l’œil » , ou encore une « réforme électorale », selon Fiducial.
Ce que change la loi : Les barèmes
La loi change les barèmes pour en conserver deux. Les patrimoines compris entre 800 000 euros et 1 300 000 euros ne seraient plus soumis à l’ISF. Ceux jusqu’à 3 000 000 d’euros seraient taxés à 0,25 %, et au-dessus, à 0,50 %. Plafonnement et bouclier fiscal sont donc supprimés.
Les exonérations des biens professionnels
Le projet souligne les possibilités d’exonérer de cet impôt les actions de sociétés détenues par un dirigeant. Cela peut poser problème, par exemple au sein d’une même famille, lorsque certains tirent un revenu de l’entreprise et peuvent exonérer de l’ISF des actions, et d’autres ne le peuvent pas. Autre souci, dans ce cadre, les conditions pour que l’un d’entre eux puisse en sortir sont complexes. Le « pacte Dutreil », instauré en 2003, rend possible l’acquisition des titres par un nouvel arrivant. Autre nouveauté : dans le cas de détention de parts et d’activité dans deux sociétés qui n’exercent pas la même activité, il ne sera plus nécessaire d’en choisir une pour l’exonération de ses parts, ou de faire une holding. Il sera possible d’exonérer les deux. Lorsqu’une entreprise redistribue des dividendes, et que l’on détient une participation importante, le rendement du dividende peut être moins important que l’impôt à payer. Conséquence : il faut vendre pour payer l’impôt. Pour Fiducial, ce sont les PME, qui n’ont pas les moyens de se payer des conseils financiers, qui subissent les effets de ce type de mesure. Les entreprises plus importantes font des montages leur permettant d’échapper à ces problèmes.
Instauration de l’exit tax
L’objectif de l’exit tax est de dissuader les contribuables qui transfèrent leur domicile hors de France pour échapper à l’imposition des plus-values de cessions de valeurs mobilières. Mais cette mesure se heurte aux conventions fiscales liant les pays. La convention fiscale entre la France et la Belgique prévoit par exemple que les plus-values doivent être imposées en Belgique. Or, en Belgique, elles ne sont pas imposables. La convention étant en droit supérieure à une loi nationale, l’exit tax a peu de chances d’être efficace. C’est donc une mesure d’affichage selon Fiducial.
Augmentation des droits de mutation pour les successions importantes
C’est probablement la mesure qui va frapper le plus les PME. Le gouvernement envisage en effet de supprimer l’abattement sur l’impôt des donations effectuées au bénéfice de ses enfants ou petits-enfants. Jusqu’à présent, les donations en pleine propriété bénéficiaient d’un abattement de 50 % lorsque le donateur avait moins de 70 ans et de 30 % lorsqu’il avait 70 ans révolus et moins de 80 ans. « Cette mesure frappe les TPE et les PME, analyse Jean-Marc Jaumouillé. Le cadre financier sera moins favorable aux donateurs. Cette mesure pénalisera la transmission des entreprises. Ce qui va également à l’encontre de la constitution d’entreprises à taille intermédiaire (250 à 5 000 salariés). Plusieurs générations sont en effet nécessaires pour créer une ETI. Les enfants puis les petits-enfants du fondateur de l’entreprise doivent avoir envie de reprendre l’entreprise. Or, si les conditions fiscales sont trop handicapantes, ce ne sera pas le cas ! »
Dernier baromètre de conjoncture des TPE Ifop / Fiducial
Concernant la toute dernière réforme sur la fiscalité du patrimoine, dans les TPE, « le sentiment qui domine est qu’il s’agit d’une réforme électoraliste », analyse Jean-Marc Jaumouillé, qui constate que « le négatif l’emporte largement ». Ainsi, la réforme est vue comme ne résolvant rien, ou pire, privilégiant les riches. Seuls 13 % des sondés estiment qu’elle est « équilibrée ». A contrario, le sondage de l’Ifop note une demande quasi unanime d’engager une politique fiscale d’envergure. En tête des axes à privilégier : un rééquilibrage entre la fiscalité des particuliers et celle des entreprises, une simplification du formalisme fiscal, et un rééquilibrage entre la fiscalité du patrimoine et celle du travail. La baisse d’impôt n’est citée que par un tiers des sondés. « En fait, ils font le pronostic qu’il va y avoir une augmentation des impôts par le prochain gouvernement, quel qu’il soit », estime Jean-Marc Jaumouillé.
Politiquement, la droite demeure la tendance politique considérée comme la plus efficace pour réformer la fiscalité pour 39 % des sondés. Et, parmi les hommes politiques aujourd’hui potentiellement candidats à l’Elysée, seuls François Fillon et Nicolas Sarkozy, tous deux UMP, dépassent la barre des 30 % d’intentions « probables » de vote. Le Front National, lui, « ne perce pas », constate Jean-Marc Jaumouillé, qui rappelle que « les patrons de PME ont toujours été un vivier plutôt pour la droite ». Mais la partie est loin d’être jouée. A moins d’un an des élections présidentielles, à la question « au fond de vous-même, souhaitez-vous plutôt la victoire de la gauche ou plutôt de la droite ? », 29 % des sondés répond qu’il « ne sait pas ».