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Seniors : contrainte ou atout pour les TPE-PME ? 

Table ronde Ajpme sur les seniors le 10 octobre (photo : Ajpme)

Le 10 octobre 2023, une table ronde consacrée à l’emploi des seniors dans les TPE-PME a réuni Michaël Orand, chef de la mission Analyse économique de la Dares, Frédéric Comte, Directeur Général de Bibus France, et Eric Chevée, vice-président en charge des affaires sociales, CPME.

Michaël Orand (Dares) a débuté par un état des lieux de la situation des seniors en entreprise. Il a souligné que, dans un marché du travail en France qui se porte globalement bien avec un taux de chômage historiquement bas, le taux d’emploi des seniors progresse. Une analyse plus détaillée montre cependant une situation plus contrastée : si le taux d’emploi a rejoint la moyenne européenne pour les seniors de 55 à 59 ans, il est en revanche inférieur pour la catégorie des 60 à 64 ans. Ce constat s’explique notamment par un effet mécanique des réformes des retraites successives qui ont repoussé l’âge de départ en retraite, celui-ci restant néanmoins jusqu’à récemment inférieur à celui de la plupart des autres pays européens. 

Toutefois, les réformes des retraites ont aussi créé une hausse du nombre de personnes « ni en emploi, ni en activité » selon l’indicateur de l’INSEE, une notion qui rassemble non seulement les chômeurs, très minoritaires au sein de cette population (à peine 3%), mais aussi les inactifs pour raison de santé ou de handicap, et les inactifs pour d’autres raisons. Ainsi plus que basculer au chômage, le principal problème concernant les seniors est de parvenir à les maintenir en emploi. 

Embauche de profils seniors

Frédéric Comte a ensuite détaillé sa propre expérience d’embauche de seniors au sein de l’entreprise qu’il dirige, Bibus France, distributeur de composants industriels, filiale du groupe familial suisse du même nom, réalisant un chiffre d’affaires de 12 millions d’euros avec un effectif de 35 collaborateurs. Il a insisté tout d’abord sur les difficultés à recruter dans un contexte de quasi plein-emploi, et sur le fait que sur certains postes comme celui de commercial itinérant ou de magasinier, il lui est presque impossible de trouver des profils juniors.

Il s’est donc tourné vers des profils seniors avec les embauches respectives d’une commerciale de 58 ans et d’un magasiner de 52 ans. Frédéric Comte a souligné la capacité des recrues senior à acquérir très vite leur autonomie et à démarrer rapidement sur un poste, l’engagement fort manifesté dans leur travail et leur capacité en matière de savoir-être au sein de l’entreprise. Il constate que le taux d’absentéisme chez les seniors embauchés est faible.  En revanche, ils ont souvent une moins bonne connaissance de l’outil informatique. 

Contrat de travail spécifique

Eric Chevée (CPME), quant à lui, s’interroge sur l’existence même d’un problème d’emploi des seniors, dans un contexte persistant de difficultés à recruter pour les entreprises et alors que les perspectives démographiques ne feront qu’accentuer ce phénomène. Il estime que la dernière réforme des retraites et le recul de l’âge de départ devraient aussi permettre à la France de rejoindre la moyenne européenne. Mais il faudra parallèlement revoir certains dispositifs comme l’assurance chômage, surtout lorsqu’elle se combine avec le dispositif des ruptures conventionnelles, un très bon outil de paix social, mais trop souvent utilisé par les entreprises pour faire financer les fins de carrière de leurs salariés par la mutualisation. Il préconise donc de reculer les bornes d’âge incluses dans l’assurance chômage, un sujet qui sera certainement à l’agenda de la conférence sociale du 16 octobre 2023.

De leur côté, les entreprises devront mettre en œuvre des politiques d’anticipation des fins de carrières : cela passe par exemple par des bilans à mi-carrière (comme la visite médicale de mi-carrière prévue dans l’accord national interprofessionnel AT/MP de mai 2023) pour envisager une éventuelle réorientation professionnelle, la recherche d’allègement de l’exposition à la pénibilité ou des aménagements des postes de travail. Enfin, Eric Chevée a précisé que la CPME a demandé un chiffrage sur la mise en œuvre d’un contrat de travail spécifique qui permettrait à l’entreprise de diminuer ses charges sociales lorsqu’elle s’engage à garder un senior en poste jusqu’à sa retraite.    

Elisabeth Coulomb