Visite de la Bourse de Commerce – Pinault Collection
Le 10 décembre 2021, l’Ajpme a invité ses membres journalistes et ses partenaires à une visite guidée de l’architecture de la Bourse de Commerce – Pinault Collection, renouant avec les sorties conviviales et culturelles qu’elle propose.
Il aura fallu moins de trois ans de travaux, entre juin 2017 et février 2020, pour que la Bourse de Commerce devienne la Bourse de Commerce – Pinault Collection. Outre le changement d’activité – le bâtiment est devenu un musée d’art contemporain qui présente une partie des œuvres de la collection de l’homme d’affaires François Pinault – l’édifice a bénéficié d’une restauration complète assortie d’une transformation à la fois radicale et totalement respectueuse de son patrimoine (Il est classé aux Monuments historiques).
La Bourse de Commerce a été restaurée et transformée par l’architecte japonais Tadao Ando (Tadao Ando Architect & Associates), l’agence Niney et Marca Architectes (NeM) et l’agence Pierre-Antoine Gatier. Le chantier s’est achevé en 2020 puis l’ouverture a été retardée par l’épidémie de Covid. Le musée a ouvert ses portes le 22 mai 2021.
L’architecte Tadao Ando a notamment imaginé et construit un cylindre en béton de neuf mètres de haut, trente mètres de diamètres et cinquante centimètres de large qui double la rotonde en gigogne, isole l’espace central du bâtiment circulaire pour en faire un vaste espace d’exposition. Il créé un passage entre ce cylindre et les murs intérieurs du bâtiment.
Un édifice plusieurs fois transformé
Plusieurs bâtiments se sont succédés à l’emplacement de l’actuelle Bourse de Commerce – Pinault Collection, occupé par un hôtel dès le XIIIe siècle. L’édifice a acquis sa forme circulaire au XVIIIe siècle, en 1763-66, avec la construction d’une halle au blé qui a remplacé l’hôtel de la reine acquis par Catherine de Médicis en 1572, lui-même construit à la place d’un ancien couvent pour filles repenties.
Vestige unique de l’hôtel de Catherine de Médicis, la colonne cannelée de 31 mètres de hauteur a été construite en 1578 pour l’hôtel de la reine, sans doute à l’usage de son astrologue personnel. La colonne de Médicis reste aujourd’hui intégrée au bâtiment circulaire actuel et contient désormais une installation lumineuse de l’artiste Philippe Parreno.
La halle au blé du XVIIIe siècle, à la forme annulaire inhabituelle, permettait de stocker, échanger et vendre du blé, et de le rendre visible par la population de l’extérieur à travers des grilles. Elle reste utile jusqu’à l’arrivée du chemin de fer qui permet d’acheminer rapidement du blé dans Paris.
Une fresque en toile marouflée de 1400 m2
L’édifice est recomposé par l’architecte Henri Blondel pour l’exposition universelle de Paris de 1889, et le monument devient alors la Bourse de Commerce. Henri Blondel ajoute un étage au bâtiment, et fait réaliser une immense fresque en toile marouflée de 1400 m2, qui vient d’être totalement rénovée pendant six mois. Réalisée par plusieurs peintres, elle évoque les échanges commerciaux au XIXe et témoigne des représentations de cette époque coloniale.
La fresque peut être observée depuis la passerelle circulaire placée au-dessus du cylindre de béton. De nouveaux escaliers en béton permettent d’y accéder. La fresque représente quatre scènes de quatre régions du monde avec lesquelles la France faisait du commerce à l’époque, l’Afrique et l’Asie, les Amériques, la Russie et les pays du Nord, et l’Europe. Ces scènes sont séparées par quatre grisailles en trompe l’œil.
Béton banché contemporain
Le cylindre de béton imaginé par Tadao Ando pour transformer l’intérieur du bâtiment se compose de blocs de béton coulés dont les trous des banches, qui servent habituellement à maintenir le béton en bonne place quand il sèche mais sont ensuite bouchés, ont ici été laissés visibles. Ce choix marque la signature de Tadao Ando dont le mur de béton entend évoquer un tatami. L’ensemble pourrait être facilement retiré du monument s’il le fallait, comme tous les éléments de transformation du lieu, Artémis ayant signé un bail emphytéotique de 50 ans pour investir la Bourse de Commerce.
Une coupole entièrement restaurée
Le centre du bâtiment, d’abord ouvert à l’époque de construction de la halle au blé, a été couvert en 1812 par la première coupole de métal de cette ampleur au monde, en fonte et cuivre. Le dôme a été qualifié de « casquette de Jockey anglais sur une grande échelle » par Victor Hugo dans Notre-Dame de Paris. Lors de la restauration récente, 2000 verres ont été changés pour des raisons énergétiques et thermiques, à l’exception du dernier lanterneau qui a été renforcé.
Des espaces d’exposition d’artistes contemporains
L’ensemble du bâtiment a été restauré à l’identique et seuls quelques sols ont été remplacés par des sols contemporains provisoires, en vinyle ou en lino, comme celui du vaste espace central du nez de chaussée. S’y trouve, au centre, une œuvre de l’artiste suisse Urs Fischer, une réplique à l’échelle 1 de la sculpture L’enlèvement des sabines de Giambologna, sculpture maniériste de 1580, reproduite en cire et remplie de petites mèches allumées à l’ouverture du musée et qui vont peu à peu consumer et faire fondre l’œuvre, évoquant le sujet de la vanité. Dans cet espace central, divers sièges représentant des objets de la mondialisation (chaise d’avion ou chaise de jardin universelle) ou des assises issues de différentes particulières (comme une chaise africaine) qui veulent faire écho à la fresque de l’époque coloniale se consument également peu à peu.
Dans le passage circulaire créé à l’extérieur de la rotonde, tout a été restauré, et les 24 vitrines de l’exposition universelle sont investies dans ce premier accrochage nommé « Ouverture » pour des œuvres de l’artiste contemporain Bertrand Lavier. Le musée compte aujourd’hui une dizaine d’espaces d’exposition dont sept galeries sur quatre étages et un sous-sol. Les espaces qui comportaient auparavant de nombreux bureaux sont ouverts, tout en courbes, et depuis les galeries on voit souvent à la fois les fenêtres intérieures et extérieures du bâtiment. Des œuvres de l’artiste américain David Hammons occupent l’ensemble de la galerie 2 du rez-de chaussée.
Salle des machines
Au sous-sol, la salle des machines contient aujourd’hui deux machines à froid, contre quatre initialement, fonctionnant à l’énergie pneumatique, qui fût en compétition avec l’électricité pour devenir la source d’énergie d’avenir. Ces frigidaires étaient destinés à conserver au frais le lait et la viande qui étaient vendus au Pavillon Baltard, ancêtre des Halles, juste à côté de la Bourse de Commerce. Un bâtiment qui aura connu des transformations et des usages multiples.
Laure Bergala