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Rencontre avec Joffrey Célestin-Urbain, chef du SISSE à Bercy

Joffrey Célestin-Urbain a expliqué le fonctionnement du Sisse aux journalistes (Photo : Ajpme)

Le 13 septembre 2022, l’Ajpme a organisé une rencontre avec Joffrey Célestin-Urbain, chef du Service de l’information stratégique et de la sécurité économiques (SISSE) à Bercy (DGE).

Enarque, Joffrey Célestin-Urbain dirige le Sisse (service de l’information stratégique et de la sécurité économiques) depuis octobre 2018, après un passage à la direction générale du Trésor, et 3 ans à Washington, à la Banque Interaméricaine de développement.  Il a présenté le fonctionnement et les missions de ce service rattaché à la Direction générale des entreprises (DGE), au ministère de l’économie et des finances. Le service comprend une trentaine de personnes à Paris et une vingtaine dans les régions. 

600 alertes par an 

« Nous traitons en moyenne 600 alertes par an, dont 25 sont considérées comme récurrentes », explique le chef du Sisse. 40 % d’entre elles sont des menaces de type capitalistique, c’est-à-dire des tentatives de rachat d’entreprises françaises par des groupes étrangers.  Le Sisse est particulièrement vigilant lorsque des start-up développant des technologies souveraines préparent des levées de fonds et qu’elles sont obligées de recourir à des fonds étrangers. 

Autre type de menaces, celles liées à la propriété intellectuelle et à la captation de données sensibles, qui représentent 38 % des alertes. Cela peut être aussi des problématiques de rachat de brevet. 

En termes de menace étrangère, tout n’est jamais ni noir, ni blanc… On peut être face à un acteur de marché, qui agit pour le compte d’un état tiers. « Au sein de la communauté européenne, le risque est moins élevé », souligne  Joffrey Célestin-Urbain. 

La mission du Sisse est d’apporter aux entreprises un accompagnement et une intermédiation pour les aider à gérer des situations sensibles. Par exemple : doivent-elles coopérer avec des états ou des entreprises étrangères ? « On est dans le rapport de force économique et géopolitique », souligne le chef du Sisse. Il est alors possible de faire jouer la loi de blocage de 1968, qui permet d’éviter que des autorités étrangères ne récupèrent des informations sensibles. 

Les situations doivent être gérées de façon confidentielle et subtile. « Nous mettons en place de façon informelle un accompagnement personnalisé », précise-t-il. 

Trois listes d’entreprises 

Le service concentre son action sur un certain nombre d’entreprises stratégiques réparties en 3 listes : des entreprises stratégiques classées selon certains critères, des technologies critiques, dans des secteurs d’avenir par exemple, ainsi que des entités publiques de recherche, à protéger au même titre que la recherche privée. 

Jusqu’en 2019, la sécurité économique était basée sur une conception restreinte de la souveraineté (défense, aéronautique…) et depuis, le champ d’intervention s’est élargi à d’autres secteurs (biotechnologies, agro-alimentaire…). « Ces listes sont « vivantes », on est dans une logique d’évolution, il y a des entreprises qui rentrent, d’autres qui sortent… , commente Joffrey Célestin-Urbain. Grâce à nos listes, lorsqu’une alerte arrive, nous pouvons dire si l’entreprise est stratégique, si l’Etat est légitime à intervenir… ».

Le Sisse a mis en place une plate-forme intégrée de collecte d’adresses et fait office de « gare de triage ». Il a l’obligation d’intervenir vite et d’informer les autorités politiques (Elysée, ministère de l’économie…). L’enjeu est d’appréhender les risques dans leur globalité, et non pas uniquement les risques cyber… et d’avoir une position équilibrée… La difficulté étant de ne pas mettre en danger les investissements étrangers en France. 

Sophie Mensior