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Table ronde financement des PME

Virginie Normand (Banque Populaire), François Asselin (CPME) et Frédéric Visnovsky (Médiation du crédit, Banque de France) et Germain Simoneau (commission financement, CPME) échangent lors de la table ronde financement des PME de l'Ajpme
Virginie Normand, François Asselin et Frédéric Visnovsky ont débattu du financement des PME (Crédit : Ajpme)

L’Ajpme a organisé le 14 juin 2022 une table ronde sur le financement des TPE/PME pour faire un point sur ce sujet crucial dans la période actuelle complexe, deux ans après le début de la crise sanitaire. 

Jusqu’à présent, tout va bien… Les trois intervenants de la table ronde sur le financement des PME, Frédéric Visnovsky, médiateur national du crédit à la Banque de France et président de l’Observatoire du financement des entreprises, François Asselin, président de la CPME, et Virginie Normand, directrice des marchés spécialisés du groupe Banque Populaire, ont fait le même constat : la situation financière des entreprises est relativement favorable et elle a continué de se renforcer depuis 2019. En 2020 et 2021, la Banque de France a certes constaté une forte augmentation de l’endettement des quelques 300 000 entreprises cotées (respectivement +218 milliards d’euros, et +51 milliards). Mais elle est contrebalancée par des augmentations tout aussi significatives de leur trésorerie (respectivement +204 milliards d’euros, et +26 milliards d’euros), pour aboutir à un endettement net de 14 milliards d’euros en 2020 et 25 milliards en 2021, un montant qui reste inférieur à l’endettement net affiché en 2019 qui atteignait 50 milliards d’euros. Frédéric Visnovsky souligne également qu’en 2021, les cotations Banque de France (qui donnent une perspective sur la capacité de remboursement à 3 ans d’une entreprise) ont enregistré davantage d’améliorations que de dégradations. Et la tendance semble s’orienter de la même manière sur les premiers mois de 2022. Le niveau des fonds propres des TPERPME a également augmenté avant et pendant la crise. 

Le PGE au centre 

Cette bonne situation est due pour une large part aux mesures exceptionnelles mises en œuvre, dont les prêts garantis par l’Etat (PGE) au début de la crise sanitaire : 148 milliards d’euros et 800 000 prêts ont ainsi été distribués, auprès de 700 000 entreprises. Ils représentent en moyenne 17% du chiffre d’affaires des TPE/PME (pour un seuil maximum fixé à 25% pour l’octroi du PGE). 60% des PGE ont un montant inférieur à 50 000 euros. Les souscriptions se sont très largement concentrées sur 2020 ; elles marquent une nette baisse en 2022, malgré la prorogation du dispositif jusqu’en juin 2022. De même, très peu de PGE complémentaires « résilience » lancés en mars 2022 ont été souscrits. Virginie Normand souligne toutefois que les PGE n’ont pas remplacé les crédits classiques : en 2020, le groupe Banque Populaire a distribué 20 milliards d’euros de PGE mais aussi 16 milliards d’euros de financements classiques.    

Côté PGE, l’heure est désormais aux remboursements. 45% des entreprises ont commencé à rembourser leurs encours, voire l’ont déjà fait en totalité.  Le niveau de perte constaté est faible : selon la dernière évaluation réalisée par la Banque de France début 2022, le taux de perte brute s’élevait à 3%, soir 4,5 milliards d’euros. Frédéric Visnovsky a rappelé qu’une procédure ad hoc a été mise en place depuis février 2022 avec la médiation du crédit en cas de difficulté de remboursement pour éviter une procédure devant les tribunaux, jugée inadaptée pour les TPE/PME.  L’entreprise doit s’adresser aux conseillers départementaux à la sortie de crise pour obtenir un étalement de la durée de remboursement de ses encours sans perdre la garantie de l’Etat. Ce dispositif a été peu sollicité jusqu’à présent : 200 demandes seulement avaient été enregistrées à fin mai dernier. François Asselin, président de la CPME, a souligné à cet égard que cette procédure induisait la mise en défaut de l’entreprise et la restructuration de toutes ses lignes de crédit, ce qui a pu décourager certaines d’y recourir.        

Prêts participatifs relance 

Autre mesure de soutien aux entreprises, les prêts participatifs et obligations relance n’ont pas connu le même succès. Différentes raisons sont avancées pour expliquer ce « flop » : le montage reste complexe ; l’octroi de ces formes de financement suppose de fournir un business plan à moyen/long terme, exercice difficile dans une période intermédiaire ; le taux des prêts d’environ 5% souffre mal la comparaison avec celui des crédits à moyen terme classiques, dans un contexte de taux de marché extrêmement bas ; enfin, les prêts participatifs restent comptablement considérés comme des dettes et non des fonds propres. François Asselin exprime son souhait de voir améliorer ces différents points car le PPR reste, selon lui, un très bon outil pour renforcer le haut de bilan des entreprises. 

Bon volume d’affaires

La sortie de la crise sanitaire s’est jusqu’à présent amorcée dans de bonnes conditions pour les TPE/PME. Toutefois, François Asselin met en garde contre un effet de loupe : les mesures exceptionnelles de soutien aux entreprises se sont traduites pendant la crise par une forte baisse du taux de défaut. La sortie de crise et la fin des mesures de soutien vont nécessairement s’accompagner d’une remontée des faillites. Reste à savoir si cette dernière sera brutale et rapide, ou plus étalée dans le temps, et si le taux de défaut se stabilisera au niveau de celui d’avant crise, ce qui ne signalerait pas une hausse anormale de la sinistralité des TPE/PME…

En outre, après la crise sanitaire, les entreprises doivent faire face aux tensions internationales liées à la guerre en Ukraine, au retour de l’inflation, ainsi qu’à un climat social tendu en France sur fonds de réformes structurelles à venir. Les incertitudes sont nombreuses et François Asselin souligne que le maintien du bon volume d’affaires constaté jusqu’à présent chez les TPE/PME (60 % des entreprises cotées par la Banque de France ont augmenté leur chiffre d’affaires en 2020) sera un facteur déterminant pour faire face au remboursement des dettes, mais aussi à l’accroissement du coût des approvisionnements et à la pression sur les salaires. Si le contexte général conduisait à un ralentissement de l’activité, la situation financière des entreprises à court comme à moyen et long terme pourrait alors se dégrader rapidement.

Elisabeth Coulomb