Rencontre avec Mounir Mahjoubi

Partagez cet article

Le 1er mars – L’Ajpme a reçu Mounir Mahjoubi, secrétaire d’Etat au numérique auprès du Premier Ministre, sur l’enjeu de la transformation digitale des PME.

mounir-mahjoubi-ajpme

Ex-président du Conseil national du numérique, sous le mandat de François Hollande, ex-startuppeur *, Mounir Mahjoubi prépare une grande initiative pour aider les 3 millions de TPE-PME françaises à réussir leur transformation numérique.

Dans cette perspective, le secrétaire d’Etat a confié à l’ancien président du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables, Philippe Arraou, une mission d’information visant « à mobiliser tous les partenaires, publics ou privés (Bpifrance, CCI, Régions, prestataires de services, etc.), pour accompagner et financer les premiers pas numériques et la transformation digitale des TPE PME. »

 « Mon objectif est d’aider l’an prochain 1 million d’entreprises à faire le premier pas numérique », a annoncé Mounir Mahjoubi dans le Parisien le 30 octobre dernier.

Une plate-forme au premier semestre

Conscient du retard numérique des TPE-PME françaises (la France se situait au 16ème rang sur 28 pays en 2017 selon Eurostat), Mounir Mahjoubi veut lancer un dispositif d’appui ciblé sur les entreprises de moins de 50 salariés, afin de leur permettre de faire « les premiers pas » décisifs en matière de numérisation de leur activité. Une transformation inévitable à ses yeux, car source « de création de valeur et d’emplois dans nos territoires. »

Cette initiative qui sera officiellement lancée avant la fin du premier semestre, doit donner confiance aux nombreuses TPE-PME qui hésitent à sauter le pas, freinées par des « injonctions contradictoires », par la difficulté à accéder à la bonne information opérationnelle, ou faute de moyens humains ou de financements adaptés.

Ce dispositif qui se concrétisera par une plateforme en ligne, aura vocation à fédérer les initiatives existant déjà en matière d’aide à la numérisation des TPE-PME (comme « Les Digiteurs » des CCI, les actions des experts-comptables ou de la CPME, par exemple) en s’appuyant sur les différents acteurs de terrain comme les Régions.  Conçue dans un « style compréhensible par les entrepreneurs », cette plateforme fournira des témoignages concrets de TPE-PME ayant opéré avec succès leur transformation numérique ; elle apportera des conseils pratiques pour la réalisation de projets (création d’un site de vente en ligne pour un commerçant, par exemple) en donnant des références du coût estimatif, ainsi que des listes de prestataires spécialisés.  Enfin, la plateforme « flèchera » les requêtes vers les différents aides disponibles.

Le secrétaire d’Etat espère que les banques commerciales joueront le jeu en proposant des financements adaptés à des petits chantiers de numérisation (des prêts de l’ordre de 5000 euros en moyenne), avec la perspective de pouvoir adosser ces concours bancaires à des garanties de type Bpifrance ou BEI. Le financement de projets immatériels par les réseaux bancaires demeure aujourd’hui compliqué. D’autant que les facilités existantes concernent plutôt des gros chantiers et non des microprojets de numérisation correspondant aux besoins des TPE, commerçants ou artisans notamment. Mounir Mahjoubi s’est montré en revanche hostile à la création d’un « crédit d’impôt numérisation » sur le modèle du CIR…

Un manque de prestataires de proximité

Comme modèle d’action pour la plateforme à venir, Mounir Mahjoubi a cité l’exemple de la plateforme https://www.cybermalveillance.gouv.fr/ lancée en octobre 2017 et réalisée avec l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information). Elle présente notamment des listes de petits prestataires de sécurité sur le territoire. Cela soulève la problématique d’une éventuelle certification de ces prestataires, qui obtiennent une sorte de légitimité en étant présents sur une plate-forme institutionnelle. Un faux problème, selon Mounir Mahjoubi. Selon lui, à vouloir trop sécuriser les dispositifs, on les rend inopérants. Cela aboutit à ne proposer que de grands opérateurs, qui ne répondent pas aux besoins des TPE-PME. A ce propos, c’est un autre frein qui se présente : aujourd’hui, il n’existe pas assez de prestataires de proximité dont ont besoin les petites entreprises.

L’un des autres freins à la transformation numérique des TPE-PME est aussi le manque de compétences techniques en interne : la plupart des structures de moins de 50 personnes ne disposent pas de cadre dédié, tout échoit au dirigeant qui n’est pas forcément un « geek » et a peu de temps à consacrer à cette transformation numérique… Il faut donc faciliter l’apport d’expertise aux TPE-PME en favorisant la mise en relation avec des jeunes formés aux métiers du digital (des pistes sont proposées dans le cadre du projet de loi « PACTE », comme par exemple la création de « Volontaires Informatiques en Entreprise », sur le modèle du statut des VIE à l’export).

* Biographie de Mounir Mahjoubi

Né en 1984 à Paris, Mounir Mahjoubi travaille très jeune pour le fournisseur d’accès à internet Club-Internet. Il fait des études de droit à la Sorbonne et de sciences politiques à Cambridge. Ensuite, il démarre sa vie professionnelle sous le signe de l’entreprenariat et du numérique. En particulier, en 2010, il co-fonde laruchequiditoui.fr, une plate-forme qui met en relation agriculteurs et consommateurs et qui existe toujours. En parallèle, son engagement politique le conduit à soutenir François Hollande pour l’élection présidentielle de 2012. En février 2016, Mounir Mahjoubi est nommé président du conseil national du numérique. Là, déjà, avec son équipe, il conçoit un plan pour la numérisation des PME-TPE, qui ne sera finalement pas appliqué. En janvier 2017, Mounir Mahjoubi quitte le Conseil National du numérique pour devenir directeur de la campagne digitale d’Emmanuel Macron. Après l’élection de celui-ci, Mounir Mahjoubi devient secrétaire d’Etat chargé du numérique. Il a également été élu député en juin 2017.