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Reprise d’entreprise : qu’est ce qui a changé depuis la pandémie ?

Comment se porte la reprise d’entreprise depuis la pandémie ? (photo Tima Miroshnichenko, Pixels)

Le 14 novembre 2023, une table ronde Ajpme a fait le point sur la reprise d’entreprise, presque 4 ans après le début de la période du Covid-19, avec deux experts du sujet et deux dirigeants ayant repris une entreprise. 

La reprise d’entreprise fait partie des thèmes qui reviennent régulièrement à l’agenda, avec un constat inchangé : elle est insuffisante. La crise a-t-elle changé la donne ? Deux experts, Branka Berthoumieux, responsable pôle Reprise-Transmission CCI Paris Île-de-France (organisateur du salon TRANSFAIR consacré à la transmission) et  Alain Tourdjman, directeur études et prospective du groupe BPCE, ainsi que deux entrepreneurs repreneurs,  Paul-Olivier Claudepierre, co-dirigeant de  Martin-Pouret et Damien de Charry, président  de Novex, ont partagé  leurs analyses et expériences.  

« La crise a impacté le marché des cessions. Elles sont favorisées par une certaine lassitude des dirigeants. Dans certains secteurs, des dirigeants qui ont été éprouvés par l’épisode du Covid sont prêts à se désengager de leur entreprise bien avant l’âge de la retraite », constate Branka Berthoumieux. D’après les chiffres les plus récents, en 2022, « les cessions ou transmissions d’entreprises ont retrouvé leur niveau de 2019 pour atteindre  50.000 », précise  Alain Tourdjman. 

Subsidiarité

L’évolution diffère selon le type de transaction et les secteurs.  Mais l’épisode du Covid n’a pas modifié certaines tendances de long cours. En particulier, les difficultés particulièrement prégnantes pour la reprise des entreprises industrielles – en raison du risque induit par leur haut niveau de capitalisation.  Et les plus petites entreprises connaissent aussi une reprise moindre, par rapport aux autres.  Plusieurs facteurs déjà bien connus expliquent ce phénomène : les cédants ont souvent du mal à préparer leur succession. 

De plus, « il existe une dimension de substituabilité. Lorsque l’on peut remplacer une entreprise par une nouvelle, il n’y a pas de reprise », analyse Alain Tourdjman. Sur le terrain, Branka Berthoumieux observe que  « les repreneurs sont des dirigeants qui visent une croissance externe ou des personnes physiques, des cadres issus d’entreprises, la quarantaine, qui souhaitent construire leur propres projets. Dans les deux cas, ils cherchent une entreprise structurée qui permette de déployer une dynamique commerciale et de développement, ce qui suppose une dizaine de personnes au moins ».

Fructueuses reprises

Paul-Olivier Claudepierre et Damien de Charry s’inscrivent dans cette démarche. Après une carrière dans des groupes internationaux, ils ont eu envie de dessiner leur propre trajectoire. Et ils ont opté pour des entreprises de 15 à 10 salariés. La première, Martin-Pouret,  est un vinaigrier historique (EPV) basée à Orléans. La seconde, Novex, conçoit et fait fabriquer des accessoires  de beauté et de bien-être (Ouest parisien). 

Pour les deux entrepreneurs, l’aventure professionnelle s’avère heureuse. Elle demande à être appréhendée avec professionnalisme et rigueur,  témoigne  Damien de Charry. Il a mis deux ans avant de trouver et acquérir Novex. Il a réalisé plusieurs formations, notamment  auprès de l’association Avarap, qui accompagne les cadres à construire leur projet professionnel, et de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) avec un stage « 5 jours pour reprendre ». Il a également réalisé  cinq dossiers de reprise, travaillant avec un expert-comptable et un cabinet juridique afin  d’éviter toute mauvaise surprise… Mais la démarche porte ses fruits. 

Plus secure

Les deux entreprises sont en croissance. Martin-Pouret comptait 15 salariés pour 1,8 million de chiffre d’affaires (CA) à sa reprise en 2019. En 2023, 5 salariés de plus sont arrivés et le CA a plus que doublé. Pour la suite, « nous allons construire de nouveaux ateliers, car nous sommes un peu à l’étroit. (…) Nous allons investir 7,5 millions d’euros afin de multiplier notre production par 2,5 », relate Paul-Olivier Claudepierre. 

L’entrepreneur regrette qu’en France, « on a tendance à valoriser la création d’entreprise que la reprise. (… ) La reprise, ce n’est pas ringard » De plus, « reprendre est plus secure que créer », complète Branka Berthoumieux. D’après la CCI Paris Île-de-France, le taux de sinistralité est bien moindre dans la reprise que dans la création d’entreprise. En France, depuis une dizaine d’année, la courbe des reprises d’entreprises est à la baisse, tandis que celle des créations monte.  Un changement de politique publique nécessaire ?  

Anne Daubrée